De passage à Rennes le mois dernier, dans le cadre du suivi de l’opération Utopia, Pierre CHAMPENOIS nous a fait l’honneur de répondre à quelques questions sur son parcours, mais également sur les innovations mises en œuvre sur les résidences Eden Square et Utopia réalisées en collaboration avec le Groupe LAUNAY.
Pourriez-vous vous présenter brièvement ?
P. C. : Après mes études d'architecture à Rennes, j'ai travaillé à Paris aux côtés de Christian HAUVETTE pendant une dizaine d'année. J'ai été son associé pendant 3 ans. Suite à son décès en 2011 et après une période de gestion de l'agence Hauvette Champenois associés, j'ai fondé l'Agence Champenois Architecte en 2012.
Depuis 8 ans, nous construisons des projets de toutes tailles et de tous types de programmes mais en particulier des logements innovants et des équipements publics, notamment pour le Ministère de la Justice, ce qui est devenu une de mes spécialités ; ainsi que des établissements privés et para-publics, comme des écoles supérieures (L'école de Management de Normandie par exemple, qui vient d'être livrée au Havre).
Depuis 2 ans, l'Atelier s'est rapproché de Richez Associés en vue de constituer une agence commune, soit près de 90 collaborateurs au total (Agence Champenois Architectes : 8 collaborateurs / Richez Associés : plus de 80 collaborateurs).
Pourquoi avez-vous choisi de devenir architecte ?
P. C. : Parce que c’est le plus beau métier du monde ! Un métier de responsabilité, un métier d’engagement au service de l’intérêt général, un métier de passion pour les savoir-faire de la construction. Être architecte, c’est réaliser le premier acte fondateur d’être au monde en concevant un abri pour se protéger des intempéries, et c’est penser le rapport aux autres dans l’organisation et la représentation des espaces construits. Et puis c’est un métier où l’on doit parler avec tout le monde, le manœuvre, l’ingénieur et le Maire, l’architecte est un passeur, un médiateur, voire un conteur qui transmet le récit d’un projet qui va voir le jour. Ce qui en fait une aventure humaine passionnante.
Du fait d'avoir fait vos études à Rennes, appréciez-vous travailler dans cette région ?
P. C. : Oui c'est une terre d'attache. J'ai vécu une dizaine d'années en Bretagne dont 8 ans à Rennes et c'est une terre d'architecture que j'affectionne particulièrement. C'est une région qui aime l'architecture et dans laquelle le lien entre l'architecture traditionnelle et l'architecture moderne s'est fait sans difficulté. Rennes est une terre où il y a une vraie culture architecturale et une vraie appétence pour l'architecture.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans l'élaboration du projet Utopia et avant lui Eden Square ?
P. C. : Le point de départ c'est Eden Square, à un moment de l'histoire de notre pays un peu particulier où il y a eu une prise de conscience écologique sur la nécessité de renouveler les stratégies urbaines et constructives.
Il y a eu un vrai désir politique pour renouveler les pratiques et la ville de Chantepie avait émis le souhait de construire un bâtiment remarquable et exemplaire pour terminer la ZAC des Rives du Blosne. La commande a été passée en 2005 sans savoir ce que signifiait réellement un bâtiment exemplaire. En effet, si tous les Maires rêvaient de construire un écoquartier, personne ne savait réellement à quoi cela ressemblait, ni quel en était le cahier des charges.
Pour ce projet, le Maire de Chantepie avait décidé que nous avions le droit de construire en R+8 car, de son point de vue, faire un bâtiment remarquable, c'était faire un bâtiment haut, un bâtiment phare pour la ville, qui devait rayonner par sa hauteur. Afin de gagner en densité et ainsi donner une grande place à la végétalisation, le PLU avait été déplafonné, passant d'un maximum de R+4 à R+8.
Lorsque nous avons pris en mains ce projet avec Franck LAUNAY et Christian HAUVETTE, nous nous sommes dit que l'ambition de rayonner devait se situer ailleurs que dans la hauteur et c'est ainsi qu'est née l'idée de revisiter l'utopie architecturale qu'était le Familistère de Guise de Jean-Baptiste GAUDIN* pour le réactualiser en utopie environnementale et sociale et finalement en faire un bâtiment très exemplaire et innovant.
* https://www.familistere.com/fr/decouvrir/monsieur-godin-fondateur-du-familistere/une-biographie
Nous avons pris la commande du Maire au pied de la lettre pour construire un bâtiment où le plaisir de vivre ensemble se mariait avec les nécessités d'envisager de nouvelles formes de bâtiments plus vertueux en termes énergétique et en termes d'impact environnemental. Nous avons dessiné cette serre bioclimatique autour de laquelle s'organise une couronne de logements. Cet espace fermé, protégé des intempéries, permet de distribuer l'ensemble des logements par des coursives abritées et de faire des logements à double orientation et majoritairement traversants.
Finalement, voilà la vraie innovation de ce concept de bâtiment : proposer des logements avec des séjours traversants. A Chantepie, nous avons réussi à faire toutes les typologies de logements, du studio au 5 pièces traversants avec une fenêtre sur la serre et une fenêtre sur la ville et un balcon qui permet de profiter de l'extérieur.
C'était un travail difficile car nous avions répondu à cette ambition très forte, portée par la Mairie de Chantepie, en créant un bâtiment très innovant. Pour cela, nous avons dû faire face à quelques contraintes réglementaires qui ont occasionné un an de travail acharné pour rendre ce projet conforme via un certain nombre de dérogations. Cela a donc occasionné des recherches de mesures compensatoires pour adapter la réglementation. Il y avait 3 blocages réglementaires car ce dispositif constructif n'était pas prévu, à l’époque, par la réglementation.
La sécurité incendie : il a fallu étudier avec les pompiers, des dispositions pour que le bâtiment soit sûr pour les habitants et facile à défendre en cas d'incendie.
Le niveau acoustique à l'intérieur de la serre : nous avons travaillé avec les services de l'état pour ajuster le niveau acoustique à l'intérieur de la serre et l'isolement acoustique entre la serre et les logements. Il a fallu définir des niveaux de performance qui n'existaient pas dans la réglementation il y a 15 ans. Aujourd'hui, en appréciant le calme qui règne dans cet espace, on se rend compte que le confort acoustique à l'intérieur de la serre est assez remarquable dès que l'on franchit le seuil de la résidence.
La qualité de l'air : la réglementation sanitaire ne prévoyait pas que l'on puisse puiser de l'air neuf des logements dans un espace clos. Ainsi, pour s'assurer de la qualité de l'air dans la serre, nous avons mis en œuvre uniquement des matériaux bruts qui ne nécessitent pas d'entretien ultérieur, de remise en peinture, d'entretien avec des produits qui pourraient potentiellement polluer l'air. A travers différentes analyses, nous nous sommes assurés d’un renouvellement continu de l'air dans la serre pour qu'il soit sain en permanence.
Quand nous avons renouvelé l'expérience à Bruz, grâce aux différents retours d’expérience et analyses sur Eden Square nous avons fait évoluer le projet, nous l'avons adapté et nous avons amélioré le dispositif. Les enjeux, qui étaient portés sur l'aspect environnemental à Chantepie (PC en 2007) se sont élargis à d’autres usages et tendances pour celui de Bruz.
Le volet environnemental est toujours présent mais le volet social prend une place de plus en plus importante. On ne s'intéresse plus seulement aux économies d'énergie et de matière mais également à la notion de “vivre ensemble”.
A Bruz, nous avons davantage mis l'accent sur cette ambition avec l'ajout d'une conciergerie, d'une salle commune sur le toit avec une grande terrasse et des potagers partagés, d'une chambre partagée pour les résidents et un travail sur les espaces communs pour permettre aux habitants de se rencontrer, échanger et vivre pleinement la copropriété ensemble. Ce volet était déjà présent à Chantepie mais il a été renforcé sur Utopia.
Une des difficultés dans les communes périphériques est de concurrencer la maison individuelle. Dans ces 2 résidences, il y a l'idée d'essayer de retrouver tous les attraits d'une maison individuelle et de les combiner aux avantages de la copropriété et de la mise en commun des services et des charges. Sur Utopia, nous proposons des 4 pièces qui profitent de l'intégralité de la toiture avec de très grandes terrasses et jardins privatifs grâce auxquels les habitants peuvent s'exercer au jardinage. Chaque T4 bénéficie de cet accès direct en toiture via un jardin d'hiver qui prend la forme d'une petite serre en verre blanc, qui, le soir venu, pourra s'illuminer et offrir un skyline nouveau à la ville de Bruz.
Avec quelles caractéristiques, quelles innovations, quels services, les nouvelles constructions devront-elles composer dans les années à venir ?
P. C. : La crise sanitaire que nous traversons révèle que nous devons trouver au sein des résidences que l'on construit, une forme de résilience. Construire cette vie collective et ce plaisir de vivre ensemble, c'est apporter une résilience à ces opérations en introduisant les notions de partage et d'entraide au sein de la copropriété.
Cette résilience doit également être environnementale pour faire en sorte que le bâtiment puisse traverser des canicules, des tempêtes, des périodes de froid.
L'une des innovations d'Utopia dont nous pouvons être fiers, c'est d'avoir fait une opération “tout électrique”, donc très bas carbone. En effet, je pense que l'électricité est une énergie d'avenir. Même si depuis des années, la réglementation thermique favorise l'emploi du gaz naturel, l'électricité est une énergie produite par tous les modes d'énergie renouvelable. Aujourd'hui, faire une opération 100% électrique est un vrai défi. Pour y arriver cela signifie que le bâtiment est plus performant qu'une opération similaire qui aurait utilisé du gaz.
Une autre innovation, liée à ce choix énergétique et à la configuration du projet, est l'individualisation de la production d'eau chaude sanitaire : chaque logement dispose d'un ballon d'eau chaude thermodynamique et de l'individualisation du traitement de l'air des logements. L'idée est que chaque appartement dispose d’une pompe à chaleur qui permet de récupérer les calories de l'air vicié extrait du logement pour chauffer l'eau chaude sanitaire, avant de le rejeter à l'extérieur. Toutes les calories sont alors utilisées, et même réutilisées, ce qui est vertueux en termes d’optimisation énergétique.
La troisième innovation est la distribution des logements par coursive extérieure, rendue possible par cette serre et qui permet de n'avoir que des logements traversants (via les séjours) avec une double orientation permettant de ventiler naturellement son appartement.
Coopérer avec le Groupe LAUNAY, c’est comment ?
P. C. : Cela fait de nombreuses années que nous travaillons ensemble et je peux dire qu'à nouveau, cela a été un grand plaisir ! Il y a une entente cordiale et amicale avec Franck LAUNAY et ses équipes qui partagent le sérieux et l'ambition de qualité, ce qui est tout à fait remarquable. Nous avons un contrat de mission complète, à savoir conception et suivi de chantier et pour nous c'est important d'avoir la confiance du maitre d'ouvrage sur toutes les phases du projet. Je pense que nous avons fait la démonstration sur ce chantier et pour ce type d'opération innovante et ambitieuse qu’il est tout à fait indispensable d'avoir la maitrise du projet d'un bout à l'autre. [Note du Groupe LAUNAY : seuls 10% des promoteurs immobiliers français ont cette double casquette.]
On ne peut innover et produire des opérations aussi exceptionnelles que celles-ci, qu’à cette condition : avoir noué une relation de confiance et d'ambition partagées entre le maitre d'ouvrage et l'architecte.